Gentlemen and Miss Lupino

Ce documentaire porte sur la période durant laquelle l’actrice Ida Lupino devint productrice et réalisatrice à Hollywood. Autant dire, à l’époque plus encore que maintenant : une exception.

Les Françaises Julia et Clara Kuperberg poursuivent leur exploration documentaire de L’Âge d’or hollywoodien et de la question des cinéastes femmes dans le cinéma américain. Cette fois, elles portent leur attention sur l’actrice Ida Lupino qui, après la « retraite » de Dorothy Arzner en 1943, devint pendant la première moitié des années 1950 l’unique femme à diriger des longs-
métrages de fiction dans la cité du rêve. Une anecdote racontée au cours du documentaire lui confère son titre : à partir du moment où le syndicat des réalisateurs finit par accepter Lupino dans ses rangs, qui étaient composés de mille trois cents hommes, les réunions s’ouvrirent par la phrase « Now, gentlemen and Miss Lupino » ! Afin de s’imposer dans ce monde masculin, Lupino dut se faire maternante — le mot « Mother » était inscrit sur sa chaise de réalisatrice —, mais tant en terme de style que de genres cinématographiques, elle ne se cantonna pas aux « women’s pictures » : ses réalisations ont le style direct et âpre des films noirs (qu’elle connaissait bien pour en avoir interprété un certain nombre). Elle les consacra à des sujets inédits et, d’un point de vue social, politique et moral, pour le moins brûlants. Malgré le succès que connurent ces films à leur sortie, une erreur stratégique due au mari d’Ida Lupino mena leur société de production à la faillite. Dès lors, elle ne réalisa plus que pour la télévision américaine, à l’exception d’un dernier film de cinéma injustement oublié, Le Dortoir des anges, dont on voit quelques émouvantes images de tournage dans le documentaire. Celui-ci est émaillé de fragments des films de Lupino et d’interventions de spécialistes, mais aussi de beaux extraits de son autobiographie encore inédite en France, significativement intitulée : Beyond the Camera…
Jean-François Buiré