Ninotchka
Une austère commissaire politique soviétique est envoyée à Paris pour négocier l’acquisition de bijoux et ramener dans le droit chemin des collègues qui ont succombé aux charmes du capitalisme décadent.
Pour la première fois, c’est un contexte politique méticuleusement recréé qui sert de cadre au dosage habituel de champagne, de palaces et de frivolités synonymes de Lubitsch. Ce chapeau ridicule mais si convoité que Ninotchka cache dans un tiroir, ces bijoux protégés dans un coffre-fort mural sont des signes de désir réprimé, puis libéré.
Greta Garbo se révèle ici une actrice comique hors pair, car on n’oublie pas un seul instant qu’il s’agit une tragédienne qui joue la comédie. Rire, quand l’heure n’est plus à rire, c’est comme se raccrocher aux objets les plus futiles : faire montre d’un dernier sursaut de dignité. Jamais Ninotchka n’est ridiculisée. Comme l’a bien noté William Paul, elle ne perd pas ses convictions politiques dans la métamorphose : sa reddition à la coquetterie d’un chapeau « n’est pas tant une acceptation de l’idéologie capitaliste que l’acceptation de sa propre frivolité ». — N. T. Binh