Les Bas-fonds
Kurosawa porte un regard bienveillant sur la misère humaine avec ce huis-clos adapté de la pièce de Maxime Gorki.
Dans les bas-fonds d’Edo, à l’écart du reste de la ville, se dresse une auberge miteuse tenue par l’avare Rokubei et sa femme Osuji. Une dizaine de personnes vivent dans cette cour des miracles, parmi lesquelles un acteur raté, un ancien samouraï, une prostituée et un voleur. Un jour, un mystérieux pèlerin débarque dans ce lieu de misère. À son contact, les habitants de l’auberge se mettent à rêver et à croire en de jours meilleurs…
Après Le Château de l’Araignée, Akira Kurosawa se lance dans une nouvelle adaptation, celle des Bas-Fonds, célèbre pièce de théâtre du Russe Maxime Gorki – également adaptée par Jean Renoir en 1936. Cette histoire de miséreux vivant en marge de la ville est transposée dans le Japon de l’ère Edo, une période marquée par une grande disparité entre les classes sociales. Les Bas-Fonds est un huis-clos que les habitants – et le spectateur – ne quittent jamais, créant une sensation d’étouffement face à ces personnages enfermés, littéralement enterrés dans les bas-fonds de la capitale – leurs habitations sont regroupées en une sorte de fosse, dans laquelle les résidents extérieurs déversent sans scrupules leurs ordures. Kurosawa opte pour une approche naturaliste pour dépeindre cette galerie de personnages déchus, hommes et femmes n’ayant même plus la force de rêver… jusqu’à l’apparition du pèlerin, allégorie à forme humaine de l’espoir. À son contact, ces individus se rassemblent progressivement jusqu’à former un semblant de communauté ; le cinéaste filme alors de magnifiques scènes de communion autour d’une chanson et d’une danse. Ces quelques parenthèses de légèreté illuminent le film, lui donnant une touche tragi-comique, et amènent beauté et tendresse au sein de ce grand film au réalisme parfois cru et au désespoir lancinant. En tournant Les Bas-Fonds, le cinéaste parvient à rendre leur humanité à ces hommes et ces femmes que la vie n’aura pas épargnés.