Les Salauds dorment en paix
Avec ce magistral film noir librement inspiré de Hamlet, Kurosawa s’attaque à la corruption dans son pays.
Miwabuchi, puissant homme d’affaires, s’apprête à marier sa fille Yoshiko à son secrétaire particulier, Koichi Nishi. Les festivités du repas de noces sont troublées par une succession d’événements : l’arrestation de l’un des comptables de la société et l’arrivée d’une mystérieuse pièce montée faisant écho au suicide d’un employé cinq ans auparavant. Éclate bientôt un scandale financier mettant en cause le fonctionnement de la compagnie. Au cœur de cette tempête médiatique, le fidèle Nishi se révèle bientôt moins loyal qu’il n’y paraît…
Réalisé en 1960, Les Salauds dorment en paix est le premier film de la toute nouvelle société fondée par le cinéaste, Kurosawa Production – la Toho étant également coproductrice. Après avoir réalisé trois films historiques à la suite, Kurosawa souhaite à présent se tourner vers des sujets plus contemporains. La création de cette société indépendante lui permet dès lors une plus grande autonomie quant au choix des thématiques. Les Salauds dorment en paix est né de la volonté de tourner un film sur la corruption de la haute finance au Japon, principal fléau de l’après-guerre selon le cinéaste. Il s’agit de l’une de ses œuvres les plus ambitieuses, ayant nécessité cinq scénaristes et pas moins de 85 jours de tournage. Ici, Kurosawa se tourne à nouveau vers un grand classique shakespearien, Hamlet, même si son film n’en est qu’une transposition assez lointaine, avec l’histoire de ce fils qui décide de venger son père défunt. Il opte pour une esthétique du film noir en portant un soin particulier à la composition des cadres, avec une splendide utilisation du noir et blanc, venant renforcer la noirceur du propos. En signant Les Salauds dorment en paix, l’un des films les plus sombres de sa filmographie, Kurosawa fait figure de double cinématographique de Simenon pour la férocité et la profondeur psychologique de ses personnages. La corruption que le cinéaste met en cause est une spirale sans fin, semble-t-il nous dire.