Les Sœurs Munakata

Setsuko et Mariko Munakata sont des sœurs que tout oppose. L’extravertie Mariko profite de sa jeunesse et de sa liberté, tandis que Setsuko travaille d’arrache-pied pour entretenir son mari Mimura taciturne et alcoolique. En visite chez leur père, Mariko sympathise avec Hiroshi, un ancien prétendant de sa sœur. La jeune femme est convaincue que Setsuko et Hiroshi éprouvent encore des sentiments l’un pour l’autre et va tout faire pour les rapprocher…

Les Sœurs Munakata est le film le plus cher de la Shintoho en 1950 : nombreux décors en extérieurs, tournage à Kyoto, Tokyo, Nara ou Kobe, et défilé de stars (Ken Uehara et So Yamamura pour ces messieurs) sont au programme. Or le projet est l’objet d’un conflit secret comme seul le milieu de la distribution cinématographique en connaît. Supposé proposer le retour de Kinuyo Tanaka sur grand écran après sa tournée américaine (la star a été ambassadrice de bonne volonté l’hiver 1949-1950), le nouveau film d’Ozu craint la concurrence de L’Anneau de fiançailles, que l’actrice vient de tourner pour Keisuke Kinoshita avec Toshiro Mifune.

C’est la Shochiku qui doit distribuer ce mélodrame : pas question de se faire passer devant par une production Shintoho, qui plus est dirigée par un cinéaste que cet insolent studio vient de leur « emprunter ». L’été 1950 va donc proposer au public de retrouver Kinuyo Tanaka dans deux longs métrages, mais Les Sœurs Munakata perd la course et sort quelques semaines après L’Anneau de fiançailles. Qu’importe, Ozu sera vengé : le film de Kinoshita ne sera qu’à la 18e place du classement de Kinema Junpo 1950, quand le sien atteindra la 7e place.

Une nouvelle fois, Ozu parle du temps qui passe. Qu’à t’on abandonné, qu’a t’on accueilli ? Pour le personnage joué par Kinuyo Tanaka, la modernité n’a qu’un temps. S’il tourne un film loin de son périmètre de prédilection, Ozu n’en livre pas moins une œuvre personnelle sur le téléscopage de deux mondes.