La Nuit transfigurée
Avec son Théâtre de nuit aussi délicat qu’inventif, Aurélie Morin, accompagnée du sextuor à cordes de l’ensemble La Camerata de Lyon, transfigure la nuit de deux amants en osmose avec la nature.
« Deux êtres traversent le bois nu et froid.
La lune les accompagne, ils regardent en soi.
La lune fait son chemin au-dessus des chênes hauts.
Aucun nuage ne trouble la lumière du ciel.
Où se perdent les sommets noirs des arbres. »
La Nuit transfigurée, poème de Richard Dehmel (1896) mis en musique par Arnold Schönberg avant qu’il n’opère son tournant atonal, est un monument du romantisme. S’y retrouvent tous les thèmes chers à ce mouvement artistique du début du XXe siècle : la force de l’amour en dépit des obstacles, mais aussi et surtout les relations avec la nature à laquelle on prête autant de sentiments qu’aux humains. La délicatesse du théâtre d’ombres développé par Aurélie Morin s’offre ainsi comme le plus bel écrin pour l’adaptation d’un tel chef-d’œuvre. Manipulant en direct des matériaux, jouant autant du noir et blanc que du chatoiement de couleur des peintures projetées, chorégraphiant le mouvement de figurines comme celui de la lumière, deux comédiennes-marionnettistes glissent de la figuration à l’abstraction. Accompagnées du détonnant sextuor à cordes de l’ensemble La Camerata, dirigé par Gaël Rassaert, ils donnent à voir les puissances invisibles qui peuplent les bosquets. À l’unisson, battent alors le cœur des amants et celui des éléments naturels qui les entourent et les protègent.