Cinéma

Brèves rencontres

Film de Kira Mouratova

Valentina fait face aux vicissitudes de sa fonction de responsable du logement d’une ville de province, ainsi qu’à la volonté de liberté de son amant, Maxime,
au charme duquel a également succombé Nadia, une jeune fille de la campagne qu’elle engage comme femme de ménage…

« Ma biographie commence avec Brèves rencontres », aurait dit Kira Mouratova. Née roumaine en 1934 dans l’actuelle Moldavie (elle devient soviétique en 1940 puis ukrainienne lors de la chute de l’URSS), Mouratova a co-signé avec son premier mari trois réalisations cinématographiques avant ce long-métrage que non seulement elle dirige seule, mais dont elle interprète (en remplacement, in extremis, de l’actrice initialement prévue) l’un des deux rôles féminins principaux, avec une évidence donnant à regretter que, à peu de choses près, elle n’ait pas rejoué par la suite. Face à elle, l’acteur-chanteur très populaire Vladimir Vyssotski, et une jeune actrice, Nina Rouslanova, qui deviendra une habituée du cinéma de Mouratova : le récit de Brèves rencontres repose sur un trio amoureux qui, bien que le film ne manque pas d’humour et d’ironie, n’a rien de vaudevillesque, ni d’ailleurs de mièvre ou de facilement romanesque. Les trois personnages ne se rencontrent que deux par deux, sans jamais que le trio ne soit théâtralement réuni, et c’est un très subtil tressage de retours en arrière qui permet au spectateur d’accéder aux relations qui les unissent. Cette finesse narrative plut modérément à la censure : elle réduisit la diffusion du film au minimum, d’autant que, par la bande, celui-ci épinglait certaines absurdités et indignités de l’organisation sociale soviétique. Si Mouratova, dans Brèves rencontres, ne pousse pas l’audace poétisante aussi loin qu’elle le fera dans ses réalisations postérieures, le film a une qualité de fraîcheur, une grâce dans l’évocation de l’intime qui rejoint le meilleur cinéma soviétique de l’époque, celui de Tarkovski, de Guerman et d’Iosseliani.
Jean-François Buiré

Kira Mouratova

Farouchement intransigeante, Kira Mouratova a connu le redoutable honneur d’être une des cinéastes les plus censurés de l’ère soviétique, de ses débuts en 1967 jusqu’en 1986, quand débute la Perestroïka et que ses films quittent enfin les étagères où ils avaient été reclus. Et même là, alors que la censure n’existe plus officiellement, elle trouve encore le moyen de manquer de se faire interdire un de ses films. Ce que lui reprochaient tous les pouvoirs ? Moins tant le contenu politique de ses œuvres que son exigence inflexible, son refus de jouer le jeu et de plier l’échine. Mais surtout, la forme unique et radicale de ses films : décadrés, disruptifs dans leur narration, saturés de personnages passionnés, soliloqueurs doux dingues et mélancoliques, baignant dans une bande-son volontiers dissonante, pour ne pas dire cacophonique.

Esprit indépendant, Mouratova a toujours refusé toute forme de récupération idéologique de son travail. Ses films ont su poser un regard intransigeant sur le monde contemporain.
Son style s’impose d’emblée : une vraie liberté de ton, une narration déconstruite à travers une série de flash-back et une franche prédilection pour le décadrage, une mise en scène qui sait être vertigineuse même entre quatre murs ; une tension permanente entre réel et théâtralité.

Eugénie Zvonkine

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lundi 31 janvier - 16h00
lundi 31 janvier - 20h00
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Brèves rencontres
Film de Kira Mouratova
Avec Kira Mouratova, Vladimir Vyssotski, Nina Rouslanova
URSS | 1967 | 1h32 | VOST