La Belle et la Bête
Le saviez-vous ?
Hasard ou génie ?
Prétendant alors ignorer l’existence des rails de travelling, Cocteau fait monter la Belle sur une planche à roulettes… et le mouvement devient féerique. Hasard ou génie – mais n’est-ce pas la même chose ? Les truquages, artisanaux sont proches de la réalité, la transfigurent. Et chaque plan nous étonne. On croirait voir s’animer des tableaux de Vermeer et des gravures de Gustave Doré.
Influence artistique
En 1995, Philip Glass a composé un opéra à partir de La Belle et la Bête. La version originale a été jouée sur la scène par des musiciens et des chanteurs, pendant qu'une version restaurée et sous-titrée du film était montrée derrière eux sur un écran. La Belle était la Mezzo-soprano Janice Felty.
La scène « des draps »
Une des scènes majeures que veut tourner Cocteau est celle « des draps ». À court de tissu, Jean Cocteau dévalise la lingerie de Mme Lecour-Lorezi, la propriétaire du Moulin de Touvoie à Rochecorbon, le manoir où furent tournées quelques scènes de La Belle et la Bête.
Un résultat inattendu
Le temps, souvent trop nuageux, gêne ou interdit les prises de vues. Cocteau vivra son séjour dans l’impatience de rayons de soleil propices et dut composer avec les éclaircies : cette frustration permanente fut inutile, car le film bénéficia, ainsi, d’une lumière douce mettant en valeur la beauté des images. Il reconnaitra à postériori : « Je me félicite d’avoir eu des nuages. C’est la gloire du ciel de Touraine. Même si le soleil les évite, il donne à la lumière une élégance de perle. ».
Vivre la Bête
Hagop Akralian, qui réalise les maquillages du film est confronté chaque jour à un véritable défi pour transformer Jean Marais en Bête, pas moins de cinq heures sont nécessaires chaque jour : trois pour le visage et une pour chaque main. Sans compter l'ajout de canines qui tenaient par des crochets en or. Ainsi grimé, l’acteur, de peur de décoller son maquillage, parle en essayant de bouger les lèvres le moins possible et ne se nourrit que de purées et de compotes.
Influences picturales
Le monde de Belle n'est pas photographié de la même façon que celui de la Bête. Les extérieurs du premier sont largement éclairés car réels. Et ses intérieurs sont influencés par les peintures des maîtres flamands et hollandais, surtout celles de Vermeer (1632-1675). Le monde de la Bête, sombre et mystérieux, se réfère quant à lui aux gravures de Gustave Doré (1832-1883), qui illustra notamment les contes de Perrault. "Je faisais mon film sous son signe", déclara Jean Cocteau.
Tourner dans la France de 1945
Le film se tourna dans l'après-guerre (du 27 août 1945 au 11 janvier 1946), où les conditions de travail n'étaient pas des plus confortables. L'équipe connut notamment des difficultés à trouver de la pellicule et souffrit de la restriction d'électricité, des pannes de courant ou encore de l'absence de lumière de studio. Elle dépendait le plus souvent de la lumière du jour. Jean Cocteau insistait d'ailleurs pour filmer sous toutes les conditions dans le but d'"évoquer la beauté qui vient par hasard". Lorsque la scène nécessitait plus d'éclairage, on utilisait des torches et des arcs de magnésium. Les déménageurs des décors travaillaient même souvent à la lumière des chandelles.
La perle rare
Marcel Pagnol qui venait de rompre avec Josette Day, demanda à Jean Cocteau de l'engager pour le rôle de Belle. La rencontre fut organisée autour d'un dîner chez Lili de Rothschild. Josette Day se présenta au dîner toute bouclée, maquillée, apprêtée ; ce qui ne correspondait pas à la vision de Jean Cocteau. Le costumier-décorateur Christian Bérard l'emmena aux lavabos, lui trempa la tête, attacha ses cheveux en chignon et la ramenant à table, s'exclama : "voici la Belle !".
Pierre avant Cardin
Avant d'être mondialement reconnu et d'avoir créé un véritable empire de la mode sous son nom, le couturier Pierre Cardin a fait ses preuves sur le tournage de La Belle et la Bête sous la houlette du chef costumier Christian Bérard et a réalisé pour le film de nombreux costumes et masques. Il a également doublé Jean Marais dans le costume de La Bête pour les scènes d'action.
Un célèbre assistant
L'assistant de Jean Cocteau sur le film est René Clément, qui n'avait à l'époque réalisé que des courts métrages ou documentaires. Parallèlement à La Belle et la Bête, il travaillait sur son premier long La Bataille du rail. Le film remporta le Prix international du jury et le Prix du scénario au Festival de Cannes 1946. Certains plans de La Belle et la Bête ont personnellement été tournés par René Clément, notamment les scènes du village de Belle.