Rétro Sirk

Mirage de la vie

Film de Douglas Sirk

Lora Meredith, une jeune veuve, vit avec sa fille. Une femme noire, Annie Johnson, elle aussi mère solitaire d’une petite fille, entre dans son existence : les deux femmes s’épaulent, Annie adoptant d’elle-même la position de « servante ». Lora rêve de devenir comédienne, fût-ce sur le tard. La fille d’Annie a également un rêve : qu’on ne la considère plus comme noire…

Dans les films américains de Douglas Sirk, veuves et veufs pullulent. Typiquement sirkiens, ces personnages se font des illusions : celle, surtout, de « refaire leur vie », en hésitant, dans le cas de Lora Meredith, entre amour et réussite professionnelle (chez Sirk, on est souvent indécis quant à ses propres désirs). Annie Johnson, elle, n’est pas veuve : noire dans l’Amérique blanche des années 1950, elle n’a pas les moyens de vivre d’illusions. Comme par une loi de compensation, c’est sa fille qui nourrit une chimère, tragique mais compréhensible dans ce contexte : étant pâle de peau, pourquoi ne pourrait-elle passer pour blanche ? Effroyable obsession qui ne mènera qu’aux larmes, celles de la dernière scène du film. « La scène finale avec Mahalia Jackson, à laquelle personne — animal, végétal ou minéral — ne peut rester insensible ? Le moment où celui qui ne serait pas déjà transformé en serpillère humaine sent qu’il sanglote ? » Ainsi le critique Serge Daney l’évoquera-t-il drolatiquement, à la manière dont on exorcise ce qui vous touche le plus. Ce moment, le cinéaste Rainer Werner Fassbinder s’en rappellera aussi, tentant de réconcilier Annie et sa fille — laquelle, parce que celle-ci est noire, renie sa mère trois fois, comme Pierre renie trois fois le Christ : « C’est cruel, mais on peut les comprendre toutes les deux, toutes les deux ont également raison, et personne ne pourra jamais les aider. À moins que nous ne changions le monde. Alors nous avons tous pleuré dans la salle. Parce qu’il est si difficile de changer le monde. » Au nom de cette scène déchirante, il ne faudrait pourtant pas oublier le reste du film, par exemple la très vivante scène d’ouverture sur la plage de Coney Island, où Lora cherche sa fille perdue parmi la foule. L’art de la mise en scène de Douglas Sirk s’y allie à merveille à celui de la mise en lumière, et en couleurs, de son complice sur dix films, le directeur de la photographie Russell Metty. Un temps pour mourir, un temps pour vivre… Jean-François Buiré

vendredi 27 janvier - 16h00
dimanche 29 janvier - 18h15
mardi 31 janvier - 20h15
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Mirage de la vie
(Imitation of Life)
Film de Douglas Sirk
Avec Lana Turner, Juanita Moore, John Gavin, Susan Kohner
États-Unis | 1959 | 2h05 | VOST

 

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