Dernier caprice

Manbei Kohayagawa est le patron d’une petite brasserie de saké au bord de la faillite. Le vieil homme est entouré de ses trois filles : l’aînée, Akiko veuve et mère d’un petit garçon, qu’il souhaite remarier ; la cadette, Fumiko, dont l’époux, gérant de la brasserie, se dévoue à la survie de l’entreprise et la benjamine, Noriko, qui refuse tous les prétendants choisis par sa famille. Manbei trouve du réconfort auprès de son ancienne maîtresse, chez qui il se rend en secret. Mais la santé du patriarche décline…

Dernier caprice est un film qu’Ozu tourne pour la Takarazuka Eiga, une société affiliée à la Toho, compagnie qui se rêve en major japonaise, et qui propose des films à grand spectacle. Cela n’ira pas sans tensions, car si le « clan Ozu », comme on le surnomme, a l’habitude des méthodes du cinéaste (prises chronométrées et multipliées encore et encore), les vedettes-maison sont un peu désarçonnées.

Tourner pour la Toho, c’est aussi se passer du clan Ozu, comme à la Daiei deux ans plus tôt. Le cinéaste va travailler avec le prestigieux Asakazu Nakai, le chef-opérateur d’Akira Kurosawa pour Les Sept Samouraïs. Celui-ci sort du tournage de La Nuit des femmes, de Kinuyo Tanaka, avec sa splendide utilisation du Cinémascope. Si Nakai ne convainc pas Ozu de se mettre enfin à ce format horizontal devenu incontournable à la Toho, il le convertit à la pellicule américaine Eastmancolor. Tout va bien pour Ozu, tant qu’il peut jouer avec la couleur rouge - ici, par exemple, avec le soda Coca-cola, dont le logo est une bénédiction pour le réalisateur.

De la même façon qu’Ozu a décliné la scène de dispute entre parents et jeunes enfants plusieurs fois entre Gosses de Tokyo et Bonjour, il reprend ici celle où l’on sermonne quelqu’un pour sa vie amoureuse jugée trop dissipée. Sauf que dans Dernier caprice, c’est une fille qui sermonne son vieux père. Plus rien n’est comme avant, et les années 1960 sont bel et bien arrivées.