Aurora, l'étoile arménienne
Avec délicatesse et précision, Inna Shakyan revient sur le génocide arménien et l’incroyable parcours d’une jeune femme qui y a survécu, et dont l’histoire a été portée au cinéma par Hollywood… Aurora Mardiganian, qui a survécu aux massacres des arméniens par les turcs en 1915. Déportée, battue, vendue, abusée, la jeune fille subit d’innombrables atrocités, parsemées de moments d’espoir, avant de partir pour les États-Unis. Là-bas, alors approchée par des journaux pour raconter son histoire aux lecteurs, Arshaluys se voit courtisée par un producteur américain guidé par l’envie de porter son récit sur le grand écran. Âmes aux enchères est le tout premier film à parler du génocide arménien. Il est basé sur les articles testimoniaux de la rescapée, et elle y joue son propre rôle. Le succès retentissant du film propulse Aurora au statut de star hollywoodienne, enchaînant sans pause les projections où l’on attend d’elle qu’elle raconte inlassablement les agressions qu’elle a subies. Le long-métrage a, lui, disparu mystérieusement. C’est quelques mois après sa mort, en 1994, que près de 20 minutes du film original furent découvertes.
Avec Aurora’s Sunrise, Inna Sahakyan comble les pertes de ce film perdu depuis 100 ans, en réutilisant les scènes sauvées et en les mélangeant à des scènes animées par rotoscopie, cette technique d’animation consistant à tourner les plans d’abord avec les acteurs, avant de dessiner sur leurs traits. Utilisée au cinéma principalement par Richard Linklater et sa trilogie de films animés, la rotoscopie permet au film de garder les expressions faciales des comédiens tout en profitant des possibilités infinies de mise en scène qu’offre le dessin. Ainsi, Aurora’s Sunrise dépasse la fonction purement transcriptrice du documentaire historique pour inventer sa propre vision. L’animation, d’une beauté à couper le souffle, donne à voir ce que la réalisatrice imagine de ces instants racontés par Aurora elle-même, dans des images d’archives. Le résultat est époustouflant. Rien de la tragédie n’est occulté, mais le dessin animé permet d’adoucir sans l’effacer la violence effroyable des événements qui s’enchaînent. En 2023, on l’aurait appelée une lanceuse d’alerte.