Lumière qui s'ombre
Gaëlle Rouard est une cinéaste à la main depuis 1992. Diplômée de l’École Supérieure d’Art Visuel de Genève en 1996, elle s’implique dans plusieurs projets collectifs à Grenoble : le 102, lieu alternatif dédié à la diffusion des arts expérimentaux et surtout MTK, laboratoire d’artiste dont elle est une des chevilles ouvrières. Elle s’installe en 2005 dans le Trièves où elle va constituer progressivement son arsenal de production personnel qui permettra la création d’œuvres aussi rares que précieuses. Dans le noir du laboratoire et le scintillement lumineux du projecteur 16 mm, les films adviennent, avec le temps qu’il faut. Ses expériences de cinéma se saisissent du territoire comme enjeu de création. Ainsi Darkness, Darkness, Burning Bright est entièrement développé à la main, en utilisant les techniques du cinéma 16mm. Le film est fait de tableaux en mouvements qui sont autant de miniatures convoquant l’animal, le végétal, le minéral, dans un jeu d’échelles créé par trucages optiques. Ici, l’approche expérimentale exprime – tout simplement – la beauté, qui ne relève plus seulement du cinéma mais aussi de la peinture, trouvant sa plasticité de la rencontre entre la lumière et la matière pelliculaire, entre la nature et la chimie.
Chant pastoral enthousiaste, veillée de montagne pleine de fantômes, de brume et de lucioles, un spectacle lumineux qui se dresse entre la peinture et le cinéma en passant par les fantômes optiques du XVIIIe siècle. Chaque plan est un tableau vivant, clair-obscur, rembrandtesque. La vie s'incarne dans l'émulsion et le prisme celluloïd met en lumière des perceptions nocturnes révélant la force poétique et narrative de l'abstraction. Une juste métaphore du cinéma photochimique, élaborée par Gaëlle Rouard dans son propre laboratoire. Depuis de nombreuses années, elle l'utilise pour expérimenter des techniques particulières qui rendent son travail unique.
Dans ce qu’on nomme le cinéma élargi, la vitesse de défilement du film, la taille de l’image, la forme du cadre, l’intensité lumineuse, toutes les composantes de la projection sont envisagées en somme pour
une interprétation aussi libre que possible de la partition qu’est le ruban filmique. Il s’agit de fouiller
les fondements de l’illusion cinématographique avec une approche primitive : l’étude du mouvement, la magie, écrit-elle.