Réalisé à l’invitation des Rencontres de la Photographie d’Arles 1984, Les Années Déclic est le récit d’un photographe touche-à-tout au milieu de sa carrière. Raymond Depardon plonge dans ses archives et ses souvenirs des années 1957-1977 pour offrir, sous la forme d’un autoportrait cinématographique, un témoignage unique sur deux décennies qui ont bouleversé la société française.
Seul face caméra, le photographe chuchote au spectateur, parfois avec émotion, ses débuts de photographe cinéaste, les joies et les doutes qui ont accompagné ses premiers pas, mais aussi la « chance » qui a jalonné son parcours, depuis son départ de la ferme natale de Villefranche-sur-Saône à son arrivée à Paris. Le film, qui retrace de façon chronologique vingt années de sa carrière de photographe, brosse à travers elles, des plateaux de cinéma aux manifestations devant le siège du patronat, le portrait d’une société française en pleine mutation. Il rappelle également que Raymond Depardon est l’un des grands noms qui ont écrit l’histoire de l’Âge d’or du photoreportage.
« Raymond Depardon est un cueilleur d’image plutôt qu’un chasseur, un glaneur plutôt qu’un prédateur », analyse le journaliste Gérard Lefort, qui a signé les textes d’un ouvrage rassemblant les photographies du documentaire sorti en 1984. « Derrière une caméra, qu’elle soit photographique ou cinématographique, comme on dit il n’en perd pas une miette, mais toujours il ramasse ces miettes, de situations, de paysages, de corps, de visages, pour les métamorphoser en une vision du monde qui, comme à une table d’hôte, ne demande qu’à être partagée », souligne-t-il.
Lumière ! Le cinéma
Il y a 130 ans, les frères Lumière inventait le cinéma. Tout était déjà là, les plans, les travellings, le drame, la comédie, le jeu des acteurs… Grâce à la restauration de plus de 100 vues Lumière inédites, le film propose un voyage stimulant aux origines d’un cinéma qui ne connait pas de fin.
Après Lumière, l’aventure commence sorti en 2017, Thierry Frémaux propose un nouveau « film Lumière » : Lumière ! Le cinéma. Les vues Lumière, ce sont 1 400 films et la première production cinématographique de l’Histoire, qui débute avec la « Sortie des usines Lumière » en 1895 et se poursuivra jusqu’en 1905. Parmi cette production pléthorique, 110 films inédits ont été minutieusement choisis et restaurés pour être présentés dans le documentaire, noir et blanc, format et vitesse respectés. Le film est composé de plusieurs chapitres, au sein desquels les vues viennent s’agencer sous le commentaire écrit et dit par Thierry Frémaux. Narré avec malice et générosité, ce commentaire permet d’inscrire ces films méconnus à la fois dans une perspective historique, philosophique et esthétique. On y découvre par exemple des points techniques passionnants concernant les pellicules de l’époque, tout en menant une réflexion profonde sur l’œuvre des frères Lumière, son intention artistique et sa portée cinématographique. La musique de Gabriel Fauré, contemporain de Louis et Auguste Lumière, nous accompagne à travers ce voyage dans le temps.
La spécificité de ce deuxième opus réside enfin dans le contexte de sa sortie, puisque 2025 marque les 130 ans de la naissance du cinéma. Le film est ainsi également pensé comme le fer de lance de ces célébrations nationales et internationales, car il raconte de façon nouvelle la naissance de cet art révolutionnaire, ce moment historique décisif aux conséquences inimaginables, toujours tellement présent, et prégnant, dans nos vies. Les formes, les espaces et les enjeux cinématographiques évoluent à grande vitesse, et pourtant le cinéma fait preuve d’une permanence extraordinaire, sans cesse renouvelée : dans les films Lumière, tout était déjà là.
Quatre nuits d'un rêveur
En pleine nuit, Marthe (Isabelle Weingarten) veut se jeter dans la Seine depuis le Pont-Neuf. Jacques (Guillaume des Forêts), un peintre solitaire, l’aperçoit et la sauve. Il lui donne rendez-vous au même endroit le lendemain soir. Marthe confie son chagrin d’amour à Jacques, qui s’éprend de la jeune femme.
Deux ans après Une femme douce, Robert Bresson s’empare de nouveau d’un court récit de Fiodor Dostoïevski, déjà transposé à l’écran en 1957 par Luchino Visconti. Le cinéaste français adapte très librement le texte, dont il conserve surtout le thème principal, le sentiment amoureux vécu comme une illusion. De la rencontre à la cristallisation, de la promesse d’un bonheur à la séparation, l’histoire de Jacques et Marie, concentrée sur quatre nuits, capte différents états d’une relation fantasmée.
Fidèle à sa méthode ascétique, Bresson cherche une vérité des affects en dépouillant sa mise en scène de tout superflu. Il refuse la dramatisation, conduit son récit avec lenteur, privilégie les ellipses. « Avec un mépris souverain de la mode, il gomme, il lime, il aplanit tous les effets, tous les écarts, tous les angles qui risqueraient de perturber la parfaite harmonie de la ligne plastique, psychologique et dramatique qu’il s’est fixée : l’œuvre apparaît dans une éclatante lumière, marbre rigoureux et inaltérable, après un minutieux et délicat travail au ciseau. » — Marcel Martin, Les Lettres françaises, 1972
« Il faut viser à faire le plus possible avec peu. Mais ce serait trop simple si plus on supprimait plus on créait. L’important, le difficile dans cet art des images, c’est d’arriver à ne pas montrer, à ne pas représenter, mais à suggérer. » — Robert Bresson, Écran n°4, 1972